Feu couvert

Feu couvert

Couvre-feu et réveillon du Nouvel An : Impressionnant contrôle de Police sur le boulevard périphérique parisien (Porte de Champerret). Paris, France entre le 31 Décembre 2020 et le 1er Janvier 2021.
Curfew and New Year’s Eve: Impressive police control on the Paris ring road (Porte de Champerret). Paris, France between December 31, 2020 and January 1, 2021.
© Nicolas Messyasz / Sipa Press

notes :

Je sens une main gantée me tapoter l’épaule doucement, je tourne la tête, et je le revois avec son fusil d’assault: « Et puis bonne année quand même !! »…
Oui, il est minuit passé de quelques secondes, et je suis sous un pont du périf’, Porte de Champerret, entouré de policiers. Je passe mon nouvel an sans toast à porter, au milieu d’un immense et spectaculaire dispositif de contrôle du couvre feu.
Marcher au milieu du périf est déjà étrange en soi, je crois que c’est la troisième ou quatrième fois que ça m’arrive, mais c’est toujours une affaire.
Là, ce n’est pas une manif, mais une opération de Police, comme il y en a des dizaines d’autres en région parisienne. Tout est prévu, balisage, message quelque peu joueur sur les panneaux d’affichage qui indique « travaux à 900m, ralentissez ». C’est en fait un entonnoir, impossible de passer au travers, le boulevard périphérique passe de quatre à une voie, et au bout c’est le filtrage.
Voie de contrôle, voie de verbalisation, voie de circulation. Il y a même deux motards et un véhicule de poursuite au cas où certains souhaiteraient forcer le passage. Opération sentinelle et vigilance attentat obligent, quelques policiers se relayent, lourdement armé de fusils d’assaut, pour surveiller de plus ou moins près les contrôles et surtout l’attitude des occupants des véhicules.
J’ai vu de tout, des sourires, des larmes, et litres de mauvaise foi, et des gens honnêtes, c’est heureusement ce qu’il y avait le plus. En règle ou pas, beaucoup de mentent pas, sont même plutôt polis, et souhaitent une bonne année aux forces de l’ordre, alors qu’ils ont attendu longtemps pour passer le barrage. Des hommes et des femmes (pas beaucoup) en uniforme, assez fermes, mais ambiance détendue, avec même une bonne humeur générale. J’ai entendu beaucoup de tolérance avec ceux qui disent la vérité, verbalisable ou non. J’ai entendu beaucoup de fermeté contre les mensonges ou les bobards.
J’ai été très inspiré de multiplier les couches et les sous couches de fringues. Il faisait -2°C sur le périf.
Une voiture de Police me raccompagne à la moto, une fois le reportage terminé , laissée porte de Champerret. Je remercie encore une fois de leur accueil et leur gentillesse, j’ai pu faire toutes les images que je voulais, rien n’a été censuré, la parole de ces hommes et femmes a aussi été libre. On a beaucoup parlé, de politique, de gilets jaunes, de journalisme, de carte de presse, du COVID, du froid, de nos envies de café, ou d’être ailleurs même. Des mots qui n’avaient rien à voir avec le sujet et le thème de la nuit. Pourtant, même si par respect sur leurs confidences, je n’en parlerai pas, c’est ce qui a donné le ton de ces contrôles nocturnes.
Il a gelé, j’ai du givre sur la moto… Je rentre, j’ai froid pour la première fois de la nuit.
Je me souhaite une année moins pourrie que la précédente en traversant les rues désertes, je n’ai croisé que des patrouilles de police.